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POSITIF+ : Le quotidien des soignants en Réanimation

Marine, infirmière de Réanimation Médicale du CHRU de Nancy

PRÉFACE

Il y a bien longtemps que je n’avais pas alimenté le journal de mon site, et pourtant c’est bien vrai, vous ne rêvez pas… Je suis bien de retour. Ça ne sera probablement qu’éphémère, mais ce retour devrait en satisfaire quelques uns, étant donné l’origine de ce projet ancien que je viens vous présenter…

Comme vous pouvez le voir, il ne s’agit pas là d’un mariage dans un beau château de la Loire ou en Provence, d’un shooting éditorial au pied de la Tour Eiffel pour un magazine, où quoi que ce soit d’autre dans le genre…

Je vais parler ici du quotidien des soignants, plus précisément ceux de réanimation. Un domaine qui me touche beaucoup puisqu’avant d’être photographe, je suis infirmier en réanimation (plutôt dans le domaine de la recherche clinique qui me passionne depuis plusieurs mois, mais ça n’en fait pas moins un métier riche auquel j’accorde énormément d’importance), et comme le dirait un de nos médecins réanimateurs, « je reste certainement infirmier de réanimation pour toujours ».

Depuis des années, je remets à plus tard ce projet de documentaires à l’hôpital. Certainement parce que j’attendais l’occasion de demander les autorisations mais voilà, il y a cette grave crise sanitaire causée par ce virus, le SARSCOV-2, que je ne vous présente plus tant on en parle dans les journaux depuis des semaines…

Dans ce contexte, on parle enfin des soignants. On en parle d’ailleurs partout… On les fête même tous les soirs avant le Journal Télévisé à 20h00 ! C’est vous dire…

Pourtant le travail quotidien des soignants est toujours le même que celui qu’ils effectuent depuis des années. Sauf que cette fois, on en parle ! Ca fait bizarre…

Mis à disposition de la réanimation par mon Centre d’Investigation Clinique pour apporter mon soutien pendant cette crise, j’ai alors pu côtoyer à nouveau mes anciens collègues. Lorsqu’un des médecins réanimateurs (à l’initiative du Compte Instagram @tousensemblecontrecovid19) m’a proposé de venir faire quelques photos de soignants dans la réanimation où il exerce, je n’ai pas hésité… j’ai tout de suite vu l’opportunité de mener à bien ce projet qui me tenait tant à coeur depuis longtemps. J’en ai bien sûr profité pour lui exposer ce projet personnel qui me tenait à coeur, à savoir documenter un reportage entier dans une réanimation sur un de mes jours de récupération.

Le projet ayant été accepté par la Direction, j’ai ainsi eu le privilège de vivre, derrière mon appareil photo, une garde en Réanimation Médicale à Nancy sur le site de Brabois. J’ai pu également étendre mon reportage à quelques autres réanimations du site de Brabois, y-compris celles mises en places pour faire face à la crise pandémique actuelle, pour passer quelques moments avec ces équipes mises à rude épreuve ces temps-ci.

J’aurais bien évidement adoré étendre ce reportage à TOUS les services qui se sont mobilisés dans cette crise mais ça m’était matériellement impossible. Je ne voudrais pas oublier TOUS les soignants hors des réanimations qui pourraient se sentir moins importants (C’est loin d’être le cas!)

Je sais qu’on parle moins des soignants de secteurs, des soignants à domicile ou en ville que de ceux des réanimations mais il se trouve que c’est en réanimation que mon projet ancien prenait toute sa place. Ainsi, à défaut de pouvoir les représenter dans ce reportage, je tiens à dédier celui-ci à ces soignants dans l’envers du décor. Tous ces soignants qui ont dû, eux-aussi, en plein stress du confinement national, sortir de leur zone de confort, sur le plan professionnel en plus du plan personnel, en adaptant totalement leur prise en charge, en changeant de service pour apporter de l’aide là où les besoins étaient, en donnant chacun son maximum pour être auprès des malades : les patients infectés par un virus qui inquiète tout le monde et dont on ignore beaucoup, mais aussi les autres qu’il faut protéger.

Je sais bien à quel point tout ça a pu être angoissant et à quel point ça peut encore l’être actuellement. Mais j’ai été stupéfait de voir à quel point tous les soignants, en réanimation mais aussi en service, ont pu être autant solidaires durant cette crise. Vous vous êtes tous rendus disponibles, là où quelques semaines plus tôt ça aurait été impensable pour vous, alors que vous étiez dans l’incertitude pour vos propres familles, enfants.

Alors à TOUS, très sincèrement, vous pouvez être fiers de vous pour votre dévouement et votre solidarité… BRAVO!!!

Je remercie bien sûr tous les soignants de ces réanimations pour l’accueil qu’ils m’ont fait, la place qu’ils m’ont donnée pour documenter leur quotidien et évidement comme tous, je les remercie pour tout le travail qu’ils fournissent toute l’année pour soigner les nôtres.

Je remercie également l’initiative du médecin réanimateur qui est à l’origine de la demande, ainsi que le service Communication de la Direction du CHRU de Nancy, sans qui ce projet n’aurait pas été réalisable.

Une petite précision concernant le titre du reportage à venir « POSITIF+ ». Il ne s’agit pas là du statut sérologique des personnes atteintes par ce virus qui mène au COVID-19, mais bien de l’état d’esprit dans lequel il faut rester autant que possible, notamment et surtout, lorsque l’on est soignant.

Enfin, il faut que vous sachiez que ce reportage photographique va dévoiler la réalité quotidienne des soignants de réanimation. Certaines techniques de réanimation pourraient paraître choquantes et il n’est pas recommandé à tous publics de visionner certaines des images qui vont suivre. De même, si vous n’avez pas 18 ans, je vous recommande de ne pas visionner ce reportage.

J’espère que le reportage qui suit vous plaira…

Bonne lecture !

Jonathan

Nous sommes le lundi 20 avril 2020. Ça fait maintenant plus d’un mois que j’ai mis en standby mon poste en recherche clinique pour apporter mon aide en réanimation. Ce n’est pas comme si l’activité de recherche était plus que jamais urgente pour apporter des réponses thérapeutiques fiables contre ce virus…

Mais ce matin, je ne me rends pas à l’Institut Louis Mathieu pour travailler au Centre d’Investigation Clinique et pas non plus pour prendre mon poste en réanimation, mais bien pour suivre une garde complète, appareil photo au poing. Je profite de ce jour de repos pour documenter, autant que possible, le quotidien des soignants de réanimation.

6h33 – Arrivée à l’hôpital

Le jour se lève sur le Site de Brabois, une lumière rosée vient illuminer les longs couloirs vides du bâtiment vitré. J’aime cette ambiance particulière. Les soignants commencent à arriver pour prendre leur poste de jour.

6h35 – En direction des vestiaires

Direction les vestiaires « propres » pour quitter nos vêtements personnels à distance du service, pour diminuer le risque de contamination.

6h45 – Arrivée dans le service, deuxième vestiaire

Une fois changés, direction le second vestiaire, dans le service, où nous allons nous changer à nouveau pour des tenues que l’on considérera alors comme « sales », c’est à dire qu’on ne pourra plus sortir de la réanimation avec nos tenues portées dans la réanimation.

transmissions soignants

6h47 – Arrivée en salle de Soins

L’équipe de nuit a le sourire en nous voyant arriver. Les fins de nuit sont toujours longues.

transmissions infirmieres
salle de soins reanimation

6h54 – Attribution des patients aux soignants référents

Tout le monde se regroupe dans la salle de soins (avec masque bien sûr) devant le tableau de soins qui donne une idée de la charge de travail. Ca permet de répartir l’équipe de jour en binômes infirmier/aide-soignant pour la prise en charge des patients, selon leur état de gravité et la charge de soins qui en découle. Chaque patient a donc un binôme de soignants référent.

tableau repartition travail reanimation

7h01 – Transmissions orales de l’équipe de nuit

Sur chaque porte de chambre de patient se trouve un panneau récapitulatif des données importantes. Chaque patient du service est présenté par le soignant référent de nuit au soignant référent de jour : nombre de jours de réanimation, nombre de jours d’intubation, motif de l’hospitalisation (ici c’est facile, c’est depuis plusieurs semaine « SDRA* chez patient covid+ »), histoire de la maladie, antécédents… Puis chaque fonction vitale y passe : hémodynamique (tension artérielle, fréquence cardiaque, température, paramètres cardiaques, respiratoires avec score représentant la gravité du SDRA* et donc la stratégie thérapeutique reçue et en cours adaptée à chaque fonction. On parle également de l’environnement familial du patient, son mode de vie, son statut marital, le nombre d’enfants. Et puis dans certaines situations, on évoque aussi les volontés du patient vis à vis de la réanimation.

*SDRA = Syndrôme de Détresse Respiratoire Aigüe

transmissions infirmieres
transmissions infirmieres chu nancy
transmissions infirmieres chu nancy

7h26 – Départ de l’équipe de nuit

Après avoir fait ses transmissions, quitté son masque et son calot, s’être changé à 2 reprises et pour certains après s’être douché, chaque soignant va retrouver sa maison. Mais la plupart du temps, avant cela, une partie de l’équipe se retrouve dans le « SAS 24/24 » pour débriefer, plaisanter, parler de tout et de rien… Ca permet de faire retomber la pression mentale, de « laisser à l’hôpital les problèmes de l’hôpital ».

Pendant ce temps-là, les Agents du Service Hospitalier (les « ASH » comme on les appelle) s’affairent déjà à nettoyer le service, pour que l’on garde toujours un service propre. Elles n’ont pas un travail facile non plus.

Imaginez-vous en train de faire le ménage chez vous, alors que le plombier est en train de réparer l’évier, vos enfants ramènent leurs copains et tout le monde se balade dans le service comme si rien ne se passait… Et bien vous savez maintenant à quoi ressemble leur quotidien. Pendant qu’elles lavent un côté du couloir, nombreux soignants l’interrompent pour passer parce qu’ils ont des soins en cours, si elle n’est pas appelée pour aller déposer un bilan en urgence au labo ou aller chercher un médicament en urgence à la pharmacie…

Bref ! Je leur tire mon chapeau pour leur patience !

masque FFP2
depart reanimation ash
infirmiere rea med nancy
ash nancy chu rea

7h33 – Passage par l’USIC, transformée en Réanimation COVID

L’USIC, c’est l’Unité de Soins Intensifs de Cardiologie. Je suis particulièrement et personnellement attaché à ce service depuis peu car c’est ici que je suis venu apporter en premier mon soutien lorsque la vague de patients COVID+ saturait les réanimations et qu’il a fallu transformer des chambres de soins de cardiologie en réanimation. Le personnel était, à juste titre, « flippé ».

L’essentiel de l’équipe ne connaissait pas la réanimation et il a fallu les rassurer surtout, dédramatiser la situation (alors même que le contexte général du pays n’était pas rassurant puisqu’on ignorait beaucoup de choses, qu’il fallait se méfier de beaucoup de choses, que l’on craignait une pénurie dans plusieurs domaines et que nos propres familles étaient à risque d’être touchées par ce virus) et démystifier le côté très spécifique de la réanimation.

D’ailleurs notons qu’un certain nombre de soignants extérieurs au service, qu’ils soient compétents en réanimation ou non, sont venus pour apporter leur soutien. Pour rappel, chaque service de soins continus transformé en réanimation est ainsi passé de 1 infirmier pour 4 patients à 1 infirmier pour 2 patients : les besoins en personnel infirmier formé à la réanimation ont donc doublé dans ces services.

Je m’y vois encore, accueillir dans les vestiaires d’un service qui n’est pas le mien, Thomas, Mathieu et Christophe, une équipe d’infirmiers anesthésistes venus en soutien sanitaire de Bagatelle à Bordeaux : « Ici c’est un peu l’Auberge Espagnole, peu de gens sont du service mais tout le monde se sert les coudes ». Ca semble tellement irréel de voir des personnels arriver des régions moins touchées et à la fois tellement touchant de se sentir aidés.

A chaque changement de poste, nous étions, entre l’équipe de jour et celle de nuit, au moins 25 personnes dont la majorité ne se connaissait pas. Ainsi nous étions forcés de faire le tour de présentation des personnels présents, nous identifier par notre prénom sur notre tenue car chacun est équipé en continu de masque et calot et surtout repérer qui a quelles compétences pour mieux équilibrer la répartition des soignants dans le service.

Le but était de faire des binômes avec un qui connaît les lieux et un qui a des compétences en réanimation. Ensuite, nous refaisions le point, pour ceux qui découvraient la réanimation, sur les drogues et matériels utilisés en réanimation, leur localisation dans le service, les respirateurs en cours d’utilisation, les babyphones qui nous renvoient les alarmes des respirateurs (« Système D » mis en place également pour l’occasion, mais efficace !). Nous faisions également le compte des kits d’intubation prêts et complets afin de pouvoir intuber en urgence. Et Dieu sait que ca a été plus qu’utile, car nous avons intubé et mis sous respirateurs plusieurs patients par jour aussi dans ce secteur.

Des cours de réanimation étaient même dirigés par des personnes de l’Ecole Régionale d’Infirmiers Anesthésistes de Nancy tous les après-midi à 17h afin d’aborder la théorie. C’est là aussi une façon de soutenir le personnel.

Bref. Tout ça pour dire que j’ai été assez agréablement surpris de la capacité de chacun des soignants, des cadres et du personnel administratif de l’établissement à s’adapter, à sortir de sa zone de confort et ainsi à faire tourner efficacement, grâce à l’effort de tous, des services de réanimation totalement improvisés. Tout le monde a été soudé alors que personne ne se connaissait et c’est vraiment une expérience forte à vivre. Maintenant à chaque fois que je croise un des soignants de cette équipe « Soins Covid 1er étage » (c’était le nom de notre unité éphémère!), ça me donne le sourire car ça me rappelle du positif, une ambiance solidaire dans un service complètement retourné, « en guerre » . Une sacrée aventure humaine…

couloirs usic nancy
infirmiere equipement masque
infirmiere usic
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usic infirmiers chu nancy
infirmiers covid usic nancy bordeaux

7h46 – Passage par la Réanimation Picard, transformée en Réanimation COVID

La Réanimation Picard, c’est habituellement une réanimation chirurgicale qui accueille essentiellement des patients qui sortent du bloc opératoire avec différentes défaillances, d’un ou plusieurs organes. C’est aussi dans cette réanimation qu’ont l’habitude d’être pris en charge les patients donneurs d’organes en état de mort encéphalique. Je connais un peu cette réanimation et quelques soignants car j’ai eu la chance d’y travailler quelques mois lorsque je faisais partie du Pôle de Suppléance de Réanimation. Cette fois, leur service est plein, lui aussi, de patients COVID+ en SDRA.

couloirs chu nancy covid rea picard
vestaire rea picard covid
rea picard nancy
infirmieres rea covid transmissions nancy

8h03 – Retour en réanimation médicale

Certains ont déjà terminé la checklist quotidienne de prise de poste (pour chaque chambre, vérification des alarmes de scope, de respirateur, bon fonctionnement des différentes machines présentes, etc.) et débuté les soins d’hygiène et de confort chez leurs patients ou bien ils sont en train de s’équiper pour rentrer dans leur chambre ; d’autres s’occupent de faire les vérifications biquotidiennes du service comme le chariot d’urgence, le test du défibrillateur, la présence du matériel dans la réserve ou encore compter les produits stupéfiants nécessaires à l’anesthésie qui se trouve dans le coffre fort fermé à clé dans un endroit spécifique du service

pancarte isolement nancy chu
equipement infirmieres reanimation nancy
equipement infirmieres reanimation nancy
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equipement infirmieres reanimation nancy
equipement infirmieres reanimation nancy
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equipement infirmieres reanimation nancy

8h43 – Lever et pesée des patients

Ca peut paraître barbare au départ lorsqu’on ne connaît pas et peut-être même inutile. Ben oui, pourquoi lever un malade au fauteuil alors même qu’il est toujours intubé ? Je ne vous ferai pas un cours ici, mais grossièrement plus vous restez au lit, plus vous perdez de masse musculaire (vos muscles fondent comme neige au soleil) d’autant plus lorsque vous avez été sédaté (« plongé dans un coma artificiel » comme on dit à la télé) et curarisé (produits qui bloquent vos muscles pour qu’il soit plus facile de vous ventiler et donc d’oxygéner vos organes). Du coup, le meilleur traitement devient le fauteuil pour remuscler toute la charnière dorsale qui soutient votre corps. Ca passe donc par le lever précoce.

Et alors, quand je vous parle d’un lever au fauteuil, qu’on soit bien au clair, je ne parle pas de laisser le patient des heures au fauteuil. Non, juste de quelques dizaines de minutes au début, pour évoluer ensuite dans la semaine qui suit vers une durée de 1 à 2 heures. C’est déjà beaucoup ! Ensuite les kinésithérapeutes prennent le relais pour tout ce qui est travail respiratoire, mobilisation passive, active… Ils ont eux aussi un rôle essentiel dans l’évolution du patient, d’autant plus quand celui-ci se réveille sans même parvenir à bouger un petit doigt, ayant la sensation d’être enfermé dans son corps entier tout engourdi, les muscles complètement fondus…

Ensuite il va de soi que nous ne pouvons soulever, plusieurs fois par jours, des patients qui n’ont aucune force. Ces machines peuvent donc paraître barbares mais c’est plutôt une belle invention pour nous et nous sommes bien contents de pouvoir les utiliser. En plus ces lève-malades nous permettent de peser les patients. Il faut savoir que le poids en réanimation est indispensable, au moins toutes les 48 heures, car nous perfusons une quantité importante de liquides, que ce soit pour diluer les traitements à administrer en intraveineux ou par la Sonde Naso-Gastrique (SNG) qui permet des apports dans l’estomac pour faire fonctionner le système digestif. Pour tout vous dire, tous les matins, l’équipe de nuit fait le bilan pour chaque patient, des entrées de liquides et des sorties.

En réanimation plus qu’ailleurs, on a l’habitude de dire que les patients prennent énormément de poids au départ mais il s’agit surtout d’oedèmes ; ensuite ils en perdent plus qu’ils n’en ont pris car on leur fait éliminer toute l’eau qui infiltre leurs organes et en plus leur masse musculaire s’est effondrée.

couloir rea med nancy brabois
leve malade chu nancy rea
leve malade chu nancy rea
kinesitherapeute brabois chu nancy francis mouget

8h44 – Relève de la garde des Réanimateurs

Après 24 heures de garde, les médecins sont bien contents de pouvoir « rendre les clés du Château » comme on dit… Ainsi ils vont passer devant la chambre de chacun des patients du service et transmettre toutes les informations nécessaires pour la bonne prise en charge du malade.

releve garde medicale chu nancy rea
releve garde medicale chu nancy rea

8h46 – Passage des « Manip Radio » pour les « RP au lit »

Chaque jour, les médecins prescrivent chez certains patients des « Radiographies Pulmonaires » dites « RP » pour suivre l’évolution de l’état pulmonaire ou vérifier le bon positionnement d’une sonde d’intubation ou d’une sonde naso-gastrique.

Ainsi, tous les matins, les Manipulateurs en Électroradiologie Médicale (ou « Manip Radio ») passent dans le service pour réaliser l’examen au lit des patients pour lesquels ça a été prescrit.

reanimation nancy radio pulmonaire chu nancy
radio pulmonaire lit rea nancy

8h58 – Passage du perfusionniste pour vérification des ECMO

L’ECMO est une machine de Circulation Extra Corporelle permettant d’oxygéner le sang du patient à l’aide d’une membrane (ExtraCorporeal Membrane Oxygenation). Cette machine fait partie, entre autres, de l’arsenal thérapeutique dont dispose le réanimateur dans le cadre des SDRA*

Un chirurgien cardiaque va venir « canuler » le patient, c’est à dire mettre en place des canules dans les vaisseaux principaux du patient afin de le relier à la machine. C’est ensuite le perfusionniste qui va gérer le fonctionnement du système. De façon bi-quotidienne, il va par exemple compléter la checklist de vérification, surveiller les gaz du sang de la membrane pour s’assurer que le traitement assuré par celle-ci est efficace et modifier ensuite, en accord avec le réanimateur, les paramètres de la machine.

*SDRA = Syndrôme de Détresse Respiratoire Aigüe

perfusionniste ecmo nancy reanimation
perfusionniste ecmo nancy reanimation

9h04 – Staff médical

Tous les matins, les cadres et les médecins réanimateurs du service se réunissent et passent en revue, un à un, les dossiers de chaque patient. Ils peuvent ainsi donner leurs ressentis et discuter d’une situation délicate.

Des sujets plus généraux peuvent être abordés comme un protocole de recherche auquel on va participer, la situation dans l’hôpital, la gestion de la crise COVID…

A la fin du staff, les cadres de santé, synthétisent et donnent les informations à l’équipe infirmière.

staff reanimation brabois chu nancy
staff reanimation brabois chu nancy
staff reanimation brabois chu nancy
staff reanimation brabois chu nancy
cadres santé réanimation chu nancy brabois

9h49 – Passage en Recherche Clinique

Je ne pouvais faire ce reportage sans aborder, ne serait-ce qu’un tout petit peu, la recherche clinique. Il s’agit d’une spécialité dans laquelle j’évolue maintenant depuis un peu plus d’un an. Il a fallu « faire le deuil » des soins dans un premier temps, mais assurer le suivi d’études qui font évoluer et améliorent les traitements médicaux, en sécurisant les patients, c’est passionnant.

Ici les équipes de l’Unité d’Investigation Clinique (UIC) et du Centre d’Investigation Clinique Plurithématique (CIC-P) travaillent dans l’urgence sur le fameux protocole de recherche DISCOVERY dont vous avez certainement entendu parlé à la télévision ces dernières semaines, l’objectif principal étant d’observer l’efficacité et la sécurité de chacun des groupes de traitement testés. Si un groupe (donc un traitement) se montre plus efficace tout en respectant des critères de sécurité pour le patient. Cette analyse effectuée en fin d’étude bien sûr, mais une analyse intermédiaire est réalisée 15 jours après l’inclusion de chaque patient pour avoir des résultats rapides permettant un traitement, s’il y en a un.

recherche clinique chu nancy UIC reanimation
recherche clinique centre investigation clinique plurithematique nancy discovery

10h23 – Visite Médicale

Tous les jours, les médecins réanimateurs, leurs étudiants et les infirmiers passent dans chaque chambre dont ils sont référents pour faire le point sur la prise en charge du patient, établir la nouvelle planification de soins et les prescriptions des prochaines 24 heures.

C’est dans cette même période que le téléphone du service sonne beaucoup car les familles n’ont pas osé prendre des nouvelles plus tôt à cause des soins. Du coup, les soignants répondent, mettent le téléphone en attente et vont chercher le soignant référent, en espérant qu’il est disponible.

visite medicale chu nancy brabois reanimation
visite medicale reanimation chu nancy brabois reanimation
telephone reanimation famille chu nancy brabois reanimation

10h36 – Pause café

Après un passage systématique aux vestiaires pour pouvoir sortir du service avec une tenue propre, direction la salle de pause. Dans cette période de précautions complémentaires COVID, les visages sont souvent marqués par les masques FFP2. Certains soignants ont été blessé par ces « masques canard » que l’on a gardé et que l’on garde parfois plusieurs heures.

Ce moment de pause est un moment de la journée où nous aimons partager, plaisanter, raconter des moments vécus…

Mais cette fois, ce sont les petits mots d’enfants imprimés par notre cadre de santé et mis en pochette que nous pourrons lire à voix haute et apprécier…

J’en profite à mon tour pour vous remercier, au nom de tout le personnel de cette réanimation au moins, pour toutes vos petites attentions, petits et grands, envers les soignants. Nous faisons le même travail que d’habitude mais ce soutien de la part de tous n’a pas pu nous laisser indifférents.

cafe infirmiere reanimation chu nancy brabois
dessins enfants soutien covid nancy chu brabois reanimation

10h54 – Passage en USCM, puis USIR, transformés en Réanimation COVID

L’Unité de Soins Continus Médicaux (USCM) et l’Unité de Soins Intensifs Respiratoires (USIR) ont aussi été équipés de respirateurs et de matériel de réa, puis renforcés en personnel avec des compétences de réanimation pour accueillir des patients en Syndrome de Détresse Respiratoire intubés/ventilés.

preparation perfusion reanimation chu nancy brabois
infirmiere reanimation chu nancy brabois
patient reanimation chu nancy brabois
infirmieres usir covid reanimation chu brabois nancy
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11h07 – Intervention de la « DV Team »

Le « DV », dans le jardon médical de la réa, c’est le Décubitus Ventral. C’est une technique qui fait elle aussi partie de l’arsenal thérapeutique dont dispose les réanimateurs pour pouvoir améliorer l’oxygénation d’un malade en détresse respiratoire. Ca va compléter le traitement si l’intubation, la sédation et la curarisation ne suffisent pas à oxygéner correctement le patient.

Le patient va alors être retourné sur le ventre pendant des séances de 18 à 24 h (plus rarement 12h) afin de libérer les alvéoles pulmonaires écrasées par gravité par le poids du patient lorsqu’il est sur le dos. Il sera alors remis sur le dos à la fin de ce délai. Cette technique nécessite au moins 4 à 6 personnes formées au DV :

– 1 soignant à la tête qui dirige les opérations et qui s’occupe de la sonde d’intubation et de respecter l’axe vertébral « tête-cou-tronc » du patient.

– 4 à 6 soignants pour porter le patient selon son poids et sa corpulence.

– 1 soignant qui place des coussins sous le patient qui permettent de l’installer le plus confortablement possible sans lui créer d’attitude vicieuse et de façon à ne pas risquer une escarre au patient, notamment sur le visage, le menton, etc.

Ce qui peut être compliqué, c’est que le patient de réanimation qui a une ou plusieurs défaillances (rénales, cardiaques, etc) est très équipé (au minimum de plusieurs cathéters, quelques pousse-seringues, une sonde gastrique, une sonde urinaire, et ça peut ensuite aller jusqu’à la dialyse, l’ECMO et d’autres machines encore) ce qui veut dire qu’il faut tout organiser pour que les lignes suivent le retournement.

Dès le début de cette crise, les soignants ont ressenti un élan de solidarité venu de partout. Parmi cet élan, un Professeur du CUMSAPA (Centre Universitaire de Médecine du Sport et Activité Physique Adaptée) a recruté des volontaires issus des personnels de blocs opératoires au « chômage technique » ainsi que des étudiants.

Ainsi, à l’aide d’un des réanimateurs du service, 80 volontaires ont été formés à la technique de retournement afin de sécuriser le patient, son équipement et le personnel. Ils sont devenus « la DV Team » et 3 équipes ont alors été déployées avec dans chaque équipe : 1 sénior pour gérer la tête et 4 équipiers pour gérer le corps entier du patient.

Au total, en 1 mois et 1 jour, 370 « retournements » chez 65 patients ont été effectués dans la seule Réanimation Médicale. Ils ont effectué en 10 jours, ce que le personnel de ce service a l’habitude de faire en une année habituellement. Ca représente, au plus fort de la crise, jusque 23 manipulations par jour. C’est une belle initiative et une belle aide pour le personnel soignant.

dv team nancy chu brabois reanimation covid cumsapa

Ici le patient retourné est assisté d’une ECMO Veino-Veineuse pour suppléer ses poumons qui ne sont plus en mesure de l’oxygéner car trop infectés. Fatima, la perfusionniste de garde aujourd’hui, est donc présente pour assurer le bon fonctionnement de son ECMO pendant le retournement.

Le patient est également hémofiltré en continu. L’hémofiltration supplée les reins qui sont défaillants, tel une dialyse, mais de façon plus douce car le patient est plus fragile.

On remarque évidement qu’un nombre important de pousse-seringues électriques permettent d’administrer les médicaments dont le patient a besoin. Toutes ces tubulures vont devoir être organisées de façon à suivre le retournement.

perfusionniste decubitus ventral chu nancy brabois
perfusionniste hemofiltration ecmo nancy chu brabois reanimatioy
ecmo decubitus ventral team dv nancy covid chu brabois
Team DV pousse seringue chu nancy brabois covid
decubitus ventral nancy chu brabois reanimation

12h37 – Passage en Réanimation CCVT, service « libéré » du COVID

Je profite de ma pause déjeuner pour aller rendre visite à une autre réanimation dans laquelle j’ai travaillé il y a quelques années : la Réanimation de Chirurgie Cardiaque, Vasculaire et Transplantations. Habituellement ce service prend en charge les patients opérés d’une chirurgie cardiaque lourde.

Durant cette crise COVID, les chirurgies cardiaques non urgentes ont été annulées elles-aussi. Ainsi la réanimation a pris en charge également des patients COVID+ en SDRA.

Un mois après le début de cette crise, les lits ont commencé à se libérer et cette réanimation est la première à être redevenue « propre » ces dernières heures. En effet, les mesures de confinement prises par le gouvernement ont été globalement respectées et je crois que ça mérite d’être souligné pour que la population, confinée chez elle, se rende compte que ses efforts ne sont pas vains et qu’elle continue ainsi à respecter les consignes à l’aube d’un éventuel déconfinement. On voit d’ailleurs, ci-dessous, Arnaud, un des infirmiers du service, terminer de nettoyer et ranger la pharmacie en attendant des entrées de patients « NON-COVID »

couloir louis mathieu chu nancy ccvt reanimation
reanimation ccvt nancy brabois louis mathieu
Desinfection pharmacie ccvt telephone reanimation
equipe infirmiere reanimation ccvt brabois chu nancy

13h46 – Nouveau passage en Réanimation Picard

Le service se trouve sur le même niveau que la Réa CCVT. Comme tous les services COVID, l’entrée est barricadée, contrôlée afin que personne n’entre et sorte de la réanimation sans prendre les précautions demandées. A mon arrivée, Marion, une infirmière, est en train d’analyser dans un automate la gazométrie artérielle qu’elle vient de prélever à son patient. Les résultats vont permettre de savoir si la thérapie mise en place pour ventiler son patient est efficace (paramètres respirateur, …)

reanimation picard brabois chu nancy covid
reanimation picard gaz du sang brabois chu nancy

La Team DV est aussi en « Réa Picard », comme on l’appelle, pour remettre le patient de Géraldine, infirmière, sur le dos. Son patient a été mis sur le ventre il y a maintenant 24 heures. Sa séance l’a amélioré mais il va falloir voir s’il garde les bénéfices de cette séance, sans quoi il devra refaire une autre séance.

Pendant ce temps, Séverine, infirmière, fait ses pansements chez un de ses patients.

Nous réaliserons une photo d’équipe un peu plus tard au moment où les équipes de jour et de nuit se chevauchent pour avoir plus de soignants. (voir ci-dessous)

decubitus ventral chu nancy picard covid
chu nancy decubitus ventral team dv nancy picard reanimation
retournement team dv chu nancy brabois picard reanimation
team dv reanimation picard chu nancy brabois
reanimateur anesthesie chu nancy brabois picard
infirmiere pansement chu nancy picard reanimation
team rea picard chu nancy brabois covid

14h13 – Gestion de la logistique en Réanimation

Alors que les cadres de santé assurent la gestion globale du service, la logisticienne s’occupe de commander le matériel utilisé tous les jours pour réapprovisionner le service. C’est un travail ingrat, mais Ô combien important. Sans elle, la vie serait bien plus compliquée pour les soignants du service. D’ailleurs, la plupart du temps, ce poste est occupé par quelqu’un qui a travaillé en réanimation auparavant et qui connaît bien le matériel.

Pour la gestion de la pharmacie, ce sont habituellement les infirmières qui font leurs commandes, et les rangent dans la pharmacie, 3 à 4 fois par semaine. Mais pendant cette période de tension, une préparatrice en pharmacie a gentiment accepté de s’occuper de toute cette partie, pour nous libérer de cette tâche. Là aussi, il s’agit, d’un travail qui n’est pas marrant, mais sans matériel, il est difficile de travailler.

D’ailleurs, on a longtemps craint une pénurie de matériel, que ce soit dans le domaine des protections individuelles (masques, surblouses) ou dans le domaine des produits de réanimation pour sédater (lire endormir ou « plonger dans un coma artificiel ») les patients et leur permettre des les ventiler (anesthésiques et curares). La consommation mondiale de ces produits est passée à plus de 2000%, ce qui rend difficile l’approvisionnement dans tous les hôpitaux de la planète.

Les cadres de santé ont eu, eux-aussi, un énorme travail à réaliser (ou plutôt un casse-tête à résoudre) lorsqu’il a fallu, tous les jours adapter les plannings de chacun en incluant les nouveaux arrivant qui venaient en renfort : connaître les compétences de chacun, les placer sur les postes où ça manque, placer les agents formés réa dans les services où les besoins sont plus importants, le tout en respectant les souhaits de chacun afin qu’il puisse organiser sa vie personnelle en plein confinement, avec les enfants à garder, etc.

Ils méritent eux-aussi qu’on les remercie et qu’on les félicite car ils sont parvenus à s’adapter à soutenir leur personnel, autant que possible.

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15h45 – Utilisation du Défibrillateur

Chaque patient de réanimation est à haut risque de présenter des complications liées soit à son motif d’hospitalisation (la détresse respiratoire liée à l’infection), soit aux traitements administrés. Ces complications peuvent être infectieuses, cardio-vasculaires, rénales… Ici le patient présente un trouble du rythme qui nécessite un choc électrique pour revenir peut-être à un rythme sinusal (lire « normal ») : on appelle ça la cardioversion .

Clarisse, infirmière, ramène alors le chariot d’urgence équipé du défibrillateur. Claude, l’interne, demande à l’infirmière d’endormir son patient qui n’est plus sédaté. Puis il va administrer un choc électrique au patient. Ça peut nécessiter plusieurs tentatives, en augmentant la puissance énergétique du choc. Cette fois, une tentative aura suffi et c’est aussi bien ainsi.

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16h12 – Transfusion Sanguine

Assez régulièrement, les patients de réanimation, pour des tas de raisons possibles, nécessitent ce qu’on appelle un support transfusionnel. Ca peut être en Globules Rouges, en Plasma ou en Plaquettes.

Ici, le patient a beaucoup saigné et présente une anémie, c’est à dire une diminution de son hémoglobine. Ca induit un mauvais transport de l’oxygène dans son organisme. Karine, l’infirmière, va donc, sur prescription de l’interne en réanimation ou de son sénior, transfuser des Concentrés de Globules Rouges dits « CGR » dans le jargon médical : c’est le produit issu des dons du sangs collectés à l’Etablissement Français du Sang. Peut-être est-ce ici votre sang si vous êtes donneur ?!

Avant de pouvoir transfuser le patient, Karine va devoir effectuer toute une série de vérifications : l’intégrité de la poche à la réception, le respect des délais d’acheminement, la conformité entre la prescription du médecin, la Carte de Groupe Sanguin du patient et les poches de sang reçues. Enfin, elle devra toujours effectuer une dernière vérification au chevet du patient, notamment concernant l’identité de celui-ci. On appelle ça le CULM : Contrôle Ultime au Lit du Malade. C’est le dernier verrou de sécurité à respecter pour ne jamais transfuser la mauvaise poche au mauvais malade. On va alors, à l’aide d’un Kit de transfusion, tester le sang du patient avec des réactifs sur une petite carte et le comparer avec le sang de la poche. Une poche, un test!

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17h23 – Soins Relationnels

Les après-midi sont en principe, des moments moins chargés, plus calmes. C’est loin d’être toujours le cas, mais lorsque ça l’est, c’est dans ces moments qu’on tente de se rendre plus disponible pour le patient lorsqu’il est réveillé ou pour les familles (qui viennent en visite auprès de leur proche en temps normal)

Dans cette période COVID-19, les visites ont évidement été supprimées pour des raisons évidentes de risque de contamination. Les visites commencent, tout doucement, à se remettre en place, de façon contrôlée et limitée, sur rendez-vous uniquement, mais ça reste évidement bien compliqué pour l’entourage des patients. C’est déjà compliqué en temps normal, lorsque les visites sont autorisées, alors là…

Mais encore une fois, de bonnes choses se sont mises en place durant cette crise sanitaire ; des étudiants en médecine, eux aussi contraints à rester inactifs, se sont mis à disposition pour aider les patients à garder un lien avec leur famille lorsque c’était réalisable. On leur a donné des tablettes numériques munies d’application de visioconférence et ils ont organisé des rendez-vous en appel vidéo avec les familles des patients réveillés. Génial! Non sans émotion… Et ce pour tout le monde, soignants y compris, mais tellement de joie pour les familles de voir leur proche, réveillé et respirant seul sans machine, alors que depuis parfois plusieurs semaines, ils n’ont pas pu le voir la moindre minute. De l’humain, ça fait du bien… Je n’ai pas pu documenter un de ces moments sans risquer de dévoiler un visage de patient ou une famille.

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Je tiens à profiter de ce sujet pour faire la lumière sur la nécessité de disposer de bonnes capacités relationnelles pour travailler en réanimation, contrairement à ce qu’on entend parfois. La technique ne suffit pas.

Quand on pense aux soins relationnels, la réanimation est rarement le premier endroit auquel on associe l’idée. On va plutôt penser à la psychiatrie, aux services de personnes âgées, etc, mais rarement aux services « à la pointe de la technologie » comme on dit.

Alors, on ne va pas se mentir, il est beaucoup plus simple, pour un soignant, de prendre en charge un patient sédaté, mais il est malgré tout essentiel, dans ces circonstances dramatiques pour une famille, de pouvoir les renseigner, les informer, les rassurer sans leur donner de faux espoirs, le tout en faisant preuve d’empathie. Et puis en principe, le but va être de réveiller le patient à un moment, et donc d’être là pour gérer toutes ses angoisses à son réveil. Il est alors important d’anticiper celui-ci. Chaque soignant à sa méthode pour ça.

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Personnellement il est important pour moi de prendre des nouvelles des familles des patients lorsqu’elles appellent. Elles sont toujours surprises sur l’instant et ne comprennent pas forcément pourquoi je leur demande de leurs nouvelles alors que la personne qui va mal est à mes côtés. Puis lorsque je leur explique que ces nouvelles vont pouvoir rassurer le patient à son réveil, alors ça prend tout son sens. Oui c’est tout bête, mais à qui, à quoi pensez-vous lorsque vous vous réveillez dans un lit d’hôpital, un tuyau dans la gorge pour respirer alors que vous ne vous souvenez plus des derniers jours durant lesquels vous étiez anesthésié ?

Les « Qu’est-ce que je fais là? », « Qu’est-ce qui m’est arrivé? » vont probablement vite laisser place à des inquiétudes concernant vos proches : « Où sont mes enfants? Ma femme? Mon mari? Comment vont-ils? »

Si l’on peut répondre à ses questions dès qu’un patient se réveille, on a toutes les chances qu’il s’agite moins. D’ailleurs il ne faut pas perdre de vue qu’il ne pourra pas poser ces questions puisqu’il est intubé. C’est alors à nous soignants d’anticiper et de l’informer spontanément. En tout cas, moi, si j’étais dans un de ces lits, c’est exactement ce que je voudrais qu’on me dise en tout premier avant même qu’on me dise qu’on va me réveiller, m’enlever le tuyau, ou quoi que ce soit d’autre.

Enfin, puisqu’il est question des nouvelles de l’entourage, du relationnel, de la vie, de la mort, de l’humain, je vais vous dévoiler les pires traumatismes que nous soignants devons confronter durant cette crise. Je suis certain qu’une grande partie de mes collègues pensera comme moi à ce niveau, mais je parle en mon nom. Deux situations insupportables m’ont particulièrement marqué, d’autant qu’elle se sont répétées :

  • devoir annoncer à un patient qu’il a perdu un proche
  • devoir laisser partir un corps dans une housse blanche

À plusieurs reprises, au réveil de certains patients, nous avons dû leur cacher des choses, des choses dramatiques, comme la perte d’un proche. Cette épidémie a touché parfois des familles entières et nous nous retrouvons donc là, à réveiller une patiente qui dans quelques heures, quelques jours, apprendra que son papa, qui l’a contaminée, est sorti d’affaire mais que sa maman est elle décédée 5 jours plus tôt, et que son corps est déjà crématisé.

C’est évidement impensable de tout leur dire alors qu’ils se réveillent à peine de plusieurs jours de coma, mais c’est difficile. Et ce qui l’est encore plus, c’est que cette situation s’est répétée plusieurs fois pendant cette crise et qu’encore actuellement des patients sont en réanimation et leur réveil sera marqué par ce choc. Ce sont des situations qui arrivent, mais de façon exceptionnelle en principe. Là, nous l’avons vécu et le vivons de façon plus régulière.

Ensuite, ça peut paraître bizarre mais si un décès est toujours difficile en tant que soignant, le fait de ne pas pouvoir accompagner le patient, vers la mort, paisiblement et en compagnie de ses proches pour leur faciliter le deuil, ça a été vraiment dur à accepter. Et pour finir, mettre le corps dans une housse sous scellé, savoir qu’aucun acte de thanatopraxie (soins de conservation du corps) ne sera réalisé au funérarium par soucis de sécurité (ce que je comprends évidement) et que la famille ne pourra pas revoir leur proche une dernière fois, ça a rendu la tâche encore plus complexe. Certains diront que non, mais ces situations laissent des traces chez les soignants.

Dans ce reportage, ça me tenait à coeur d’avoir cette image d’une housse pour montrer ce à quoi je fais référence. Il s’agit là d’une mise en scène, il n’y a aucun corps dans cette housse blanche sur ces photos, juste des draps. Je ne me voyais pas faire ce reportage sur le quotidien des soignants de réanimation, sans aborder ce sujet délicat qu’est la mort. Je voulais qu’on se rende compte de ce qu’on peut vivre ici.

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19h01 – Transmissions orales de l’équipe de jour

A nouveau, l’histoire de chaque patient du service est transmise par le soignant référent de jour. Avec un peu de chance, c’est la même équipe de nuit que celle qui nous a quitté ce matin et donc le soignant qui reprend connaît déjà l’essentiel du patient. Il suffit alors de lui parler de l’évolution de chaque fonction sur la journée.

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19h33 – Départ de l’équipe de jour

Avant que chacun rentre chez soi, je profite pour enchaîner quelques portraits de soignants que je présenterai bientôt (je ne sais pas encore sous quelle forme, mais je voulais réaliser une collection de portraits de soignants pour réaliser un autre projet. Vous en saurez certainement plus prochainement). Puis à nouveau l’équipe s’en va pour revenir demain.

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20h15 – Crépuscule sur l’Institut Louis Mathieu

Dans 20 minutes, l’hôpital sera plongé dans le noir et on aura l’impression d’observer une fourmilière. On apercevra, à travers chaque petite fenêtre, ces silhouettes de soignants qui travaillent auprès des malades.

Chaque soir, en quittant l’hôpital, nous passons devant ce bâtiment. Chaque soir, lorsque je travaille en réa, j’ai une dernière pensée pour mes patients avant de rentrer à la maison et laisser tout ça ici autant que possible.

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20h34 – Détresse Respiratoire

Thomas, le médecin réanimateur de garde, est appelé par les médecins des « Soins Covid 1er étage » (habituel USIC) pour le prévenir qu’un patient se dégrade sur le plan respiratoire. Il se rend alors sur place, et donne des consignes aux soignants pour qu’ils préparent le matériel et les médicaments pour intuber le patient et lui permettre d’être oxygéné efficacement grâce à un respirateur. Il va alors expliquer au patient la suite de la prise en charge. Une fois que tout est prêt, dans une ambiance la plus sereine possible, Thomas intube le patient et l’infirmière le relie au respirateur et branche la sédation qui anesthésie le patient.

Compte tenu de l’amélioration de la situation sur l’Etablissement, les Soins Covid 1er étage vont bientôt fermer leurs lits COVID pour redevenir l’Unité de Soins Intensifs de Cardiologie. Le patient que Thomas vient d’intuber va donc être transféré vers la Réanimation. Il informe, par téléphone, la famille du patient de la situation.

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21h23 – Soins de Nuit

Après la prise de poste, comme le matin, on remplit la checklist de surveillance de la chambre ; vérification des alarmes du scope, du respirateur, etc. On vérifie de la même façon le matériel du service : chariot d’urgence, produits stupéfiants, etc.

Chaque patient reçoit des soins d’hygiène et de confort. On installe d’abord les personnes conscientes (non sédatées) pour la nuit, puis on « tourne » les autres patients, pour les réinstaller sur des draps propres et secs ; on leur fait un soin de bouche, on leur change la cordelette qui maintient la sonde d’intubation au niveau des lèvres, on leur aspire la trachée, on prépare leurs perfusions…

Ensuite, comme la journée, toutes les 2 heures, durant toute la nuit, on surveille leurs constantes hémodynamiques, respiratoires, neurologiques, digestives, rénales, etc. Souvent un gaz du sang est prescrit en fin de journée pour évaluer l’efficacité de la ventilation avant la nuit et un bilan plus complet est réalisé le matin afin d’avoir les résultats le matin lorsque les médecins font la visite du jour.

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23h12 – Information d’une famille

On a pour habitude de dire aux familles qu’en réanimation, plus que n’importe où ailleurs, il faut « apprendre à vivre au jour le jour, presque à l’heure l’heure ». Ce qui est valable à un moment de la journée peut ne plus être valable l’heure suivante. Il faut donc savoir « profiter du fait que la situation de son papa, son frère ou son enfant, ne se soit pas dégradée durant les dernières heures ». Ca parait impensable de voir la vie comme ça. Pourtant, c’est la réalité.

Une fois la nuit tombée, les familles prennent les dernières nouvelles avant la nuit pour pouvoir tenter de s’endormir en se disant que leur proche est toujours vivant et en souhaitant un meilleur lendemain.

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J’espère que vous avez aimé découvrir notre quotidien.

Je tiens à préciser que la rédaction de ce reportage n’engage que moi et n’engage à aucun moment la direction du CHRU de Nancy ou quiconque d’ailleurs. Il ne s’agit là que de mes ressentis personnels, de mon point de vue dans tous les sens du terme.

J’ai le privilège d’avoir un endroit à moi sur la toile où je peux m’exprimer, alors j’en profite! C’est aussi ça la liberté d’expression.

Merci d’avoir pris de votre temps lire ce documentaire !

N’hésitez pas à partager sur tous les réseaux sociaux (facebook, instagram, twitter, linkedIn, …)

Et surtout prenez soin de vous et de vos proches.

Jonathan

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